dimanche 29 janvier 2023

EDITION SPECIALE Pourquoi les gouvernants se coupent de leurs peuples ? Du bien fondé neurologique des démocraties occidentales

 


photo Aleteia

Résumé: une étude scientifique fonde la supériorité 
de nos démocraties sur les neurosciences et la Data 


Le blog sort de sa torpeur avec un scoop.

Les résultats d’une vaste étude scientifique de trois ans viennent de tomber. Je suis fier de les avoir dénichés sur le net avant qu’ils ne soient popularisés en France, d’autant qu’ils collent parfaitement avec la ligne directrice de ce blog, puisque la data est au coeur du projet.

Les gouvernants coupés de leurs peuples, les dirigeants coupés de leurs employés, les évêques coupés de leurs ouailles, autant de marronniers à la une des médias et de la presse. Cette évidence aux yeux de tous est d’autant plus flagrante que le pouvoir est solitaire et s’éternise. C’est maintenant une réalité scientifique, et cela change tout : avant il s’agissait d’un jugement moral, comme on reproche à une mère d’abandonner ses enfants. Maintenant c’est un fait scientifique , dont il faut tirer les conséquences en termes d’organisation politique plutôt que de porter des jugements sur les responsables. On ne reproche pas à un cantonnier d’avoir les mains calleuses, parce qu’on en connaît la cause dermatologique, et on s’efforce plutôt de rendre son travail moins pénible. Il en ira désormais de même avec les politiques.

Venons en à l’étude, encore soumise à embargo chez les éditeurs scientifiques. L’idée est assez simple. Elle repose sur la captation par imagerie et par électrodes des activités cérébrales d’un panel de volontaires, et sur la modélisation de leur interprétation, conjuguant les avancées fulgurantes des neurosciences et de la data. Neuf pays de l’OCDE y ont participé, pas la France.

Tous les sujets observés sont soumis au même protocole. Chaque trimestre, une série de vidéos (les mêmes pour tous) leurs sont soumises, et leur activité cérébrale durant le visionnage est enregistrée. Les vidéos sont de deux types, que l’on pourrait qualifier de compassionnel et de gouvernance. Elles sont toutes construites sur un même canevas : en première partie une situation angoissante qui va crescendo pendant dix minutes, questionnant et appelant à l’action ; puis une séquence de cinq minutes qui va tantôt vers une résolution du problème, tantôt vers une aggravation. Des enfants faméliques de pays dévastés secourus efficacement par des actions humanitaires illustrent ce que peut être une vidéo compassionnelle résolue ; un pays dans une impasse économique plongé dans le chaos par l’échec d’un train de mesures malencontreuses fournit un exemple de vidéo managériale aggravée.

En schématisant, l’étude révèle que le dirigeant s’émeut face aux vidéos managériales de la même façon que le simple citoyen face aux vidéos compassionnelles, et que le dirigeant reste indifférent face aux vidéos compassionnelles comme le reste le citoyen face aux vidéos managériales. Rien de surprenant à cela. L’intérêt réside dans les explications.

On sait que nos émotions et nos comportements sont régulés par des hormones et des neurotransmetteurs qui orchestrent les activités de différentes zones du cortex, les magazines de psychologie s’en font régulièrement l’écho. Ainsi la dopamine active les circuits de récompense et les corticostérones répondent aux situations de stress. Mais l’on ignorait jusqu’ici comment les choses se passent dans le détail. Plus maintenant. Un des promoteurs du projet en donne une image « On peut comparer l’adaptation du cortex face à une situation à l’adaptation d’une chaîne logistique face à un flux de commandes. Il s’agit de combiner les livraisons par mer, fer, route. Jusqu’ici on savait observer les mouvements des véhicules, mais on n’avait pas accès aux bons de transport. Maintenant, non seulement on peut lire ces bons mais on modélise comment ils sont établis ». La clé réside dans la similitude récemment confortée entre les processus d’apprentissage des réseaux de neurones et ceux du cortex. « Les deux ne sont certes pas de même nature mais ils sont soumis aux mêmes lois de l’information, tout comme l’oiseau, qui n’a pas d’hélice, et l’avion, qui n’a pas de plumes, sont soumis aux mêmes lois physiques » poursuit le savant.

Dans cette comparaison, la récompense chez l’humain correspond à une réponse correcte d’un réseau profond, l’intensité de la récompense correspond au taux de vraisemblance de la réponse, et à l’inverse, la frustration correspond à une réponse erronée. « Nous sommes parvenus à observer les influx nerveux à l’échelle de quelques neurones (…) ce qui nous permet de comparer directement comment évoluent les liaisons synaptiques entre neurones avec l’évolution des coefficients synaptiques dans les réseaux de neurones artificielles. Le parallèle entre l’évolution des deux processus, naturel et artificiel, face à des mêmes stimuli – ici des vidéos – nous a stupéfaits, et ce pour la plupart des réseaux artificiels testés ».

Sans avoir encore de théorie solide, la raison profonde de ces similitudes semble reposer sur le principe fondamental du rasoir d’Ockham, qui dit que les hypothèses les plus simples sont les plus probables – et qui devient un théorème en théorie algorithmique de l’information. Toujours est-il que, forts de ce parallèle, les chercheurs ont poussé plus loin leurs expériences.

Pour comprendre, il faut savoir que le projet apprend la compassion ou le leadership à un réseau de neurones comme on lui apprend la conduite automobile. Pour la conduite automobile l’apprentissage consiste à classifier les scènes de trafic de façon à donner des instructions de conduite ad hoc, avec l’aide d’autres capteurs. L’apprentissage se fait progressivement sous la supervision d’un instructeur qui indique si la réponse est correcte ou non, l’algorithme d’apprentissage faisant évoluer en conséquence les coefficients synaptiques, jusqu’à obtenir des réponses correctes pour toutes les situations d’apprentissage. L’entraînement nécessite un grand nombre de scènes, des millions. Ici, on apprend de la même façon le management à un réseau en lui soumettant un nombre gigantesque de situations (dans un monde virtuel simulé), sans commune mesure avec les quelques vidéos présentées à la cohorte d’humains. Sont donc soumis aux visionnages quatre catégories de sujets : les décideurs en chair et en os, forgés par l’expérience à résoudre des situations globales et complexes ; les citoyens ordinaires, où le quotidien émotionnel des rapports aux autres prévaut ; côté silicium, les réseaux dirigeants entraînés à coup de millions de scènes générées elles mêmes par des IA à partir de schémas réels, et les autres réseaux entraînés de même sur des scènes de la vie courante. Afin de limiter les biais technologiques, une grande variété de paramétrages dans l’architecture des réseaux et les algorithmes d’apprentissage ont été utilisés. Si elle s’arrêtait là, l’expérience se bornerait à acter un succès de plus du deep learning. Mais le point novateur est la suite de l’expérience : les réseaux gouvernants (entraînés à répondre à des situations de gouvernance) s’avèrent difficilement capables, voir pas du tout pour le tiers d’entre eux, d’apprendre la compassion. De même dix pour cent seulement des réseaux compassionnels parviennent correctement à apprendre le leadership, et – ce qui est peut-être le résultat qui questionne le plus – les « allers retours » sont encore plus difficiles, ainsi un réseau qui a appris la compassion, puis est parvenu à apprendre la gouvernance, ne pourra plus, ou très mal, être rééduqué à la compassion. Et il en est de même pour faire le chemin inverse. « Ceci nous amène à supposer que ce sont les limites intrinsèques de notre cortex qui font que les grands de ce monde se détachent des réalités du quotidien ». Les responsables du projet mettent néanmoins en garde contre toute extrapolation hâtive : « Il serait imprudent d’en tirer pour l’instant des conclusions politiques ou sociologiques, ou pire anthropologique. (…) Cette étude peut en effet comporter des biais, la reproduction de ces expériences est nécessaire, des réfutations peuvent apparaître, il faut laisser le temps d’évaluation par les pairs. »

En traçant jusqu’au détail de l’évolution des transmissions synaptiques comment le pouvoir modèle notre pensée d’autant plus durement et durablement qu’il est exercé longtemps et seul, cette étude conforte scientifiquement le bien fondé de notre modèle démocratique. Nos démocraties libérales occidentales apparaissent comme un bon compromis entre la nécessaire organisation de la gouvernance des nations, et la limitation des risques de dérive autoritaire des dirigeants, grâce leurs gardes fous constitutionnels, leurs parlements, leurs mandats limités en nombre et en durée, leurs principes de séparation des pouvoirs et de hautes instances indépendantes. Le recensement des dictateurs actuels à travers la planète le confirme. Cependant des failles apparaissent, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, au centre de l’Europe, qui testent et interrogent les limites de notre système. Face à ces menaces, l’étude fonde scientifiquement la supériorité des démocraties libérales et leur offre des pistes de progrès.

La suite dans quelques jours...