dimanche 29 mai 2022

Le défi écologique. I. Un enfer ultra-libéral ?

 © Bastien Mazouyer pour Le Vent Se Lève

Résumé : A travers deux lectures, comment les neurosciences peuvent enrichir le débat sur le défi écologique1.

Je me suis endormi sur la dernière page d’un ouvrage d’investigation alertant sur l’impact écologique du numérique, L’Enfer numérique - Voyage au bout d'un like, de Guillaume Pitron2

La plupart des ouvrages grand public sur le numérique dénoncent les menaces des GAFAM – les Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft – sur notre liberté, l’économie et la souveraineté de l’Europe. Pitron y ajoute – à juste titre, et de manière très documentée - l’impact environnemental. Celui-ci revêt deux aspects. Le plus connu est la consommation énergétique. Elle représente une part croissante de la consommation électrique. Rien que le minage de bitcoins3, plus célèbre des bien mal nommées monnaies virtuelles, exige autant d’électricité que la moyenne d’un pays européen. L’auteur met l’accent sur un aspect moins connu, la voracité en matières premières rares et le saccage de l’environnement que produit l’exploitation de leurs gisements. Toutes ces menaces sont réelles et doivent être documentées et débattues. Cependant, beaucoup de ces enquêtes ou reportages sont exclusivement à charge envers les ogres américains du numérique. Hurler avec les loups, jouer les chevaliers blancs alertant le bon peuple contre les méchants GAFAM, le ramdam médiatique se résume souvent en « Les GAFAM sont les produits de l’ultra-libéralisme américain. Leur moteur est le profit, qui les pousse à rendre captifs les usagers et exploiter les consommateurs et les autres continents. C’est cette course au profit qui nous a conduits dans le mur écologique».

Le propos se généralise au-delà du numérique en « C’est la course au profit qui exploite l’homme et pille les ressources de la planète ».

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Sitôt assoupi, j’ai fait un rêve.

Les GaFam venues d’Outre Océan proliféraient d’île en île dans un vaste archipel. C’est ainsi qu’on désignait les Gargantua Family. L’offre de ces chaînes de petites boutiques d’alimentation était de plus en plus alléchante et personnalisée pour jeunes et vieux, femmes, hommes et enfants. Rares étaient celles et ceux qui résistaient au désir de s’en goinfrer. Certaines officines se faisaient fort discrètes afin que l’on puisse s’y rendre en douce. L’offre des Gafam reposait sur une expertise agroalimentaire qui décourageait la concurrence, elle mobilisait les connaissances scientifiques les plus avancées, tant en biologie moléculaire pour le goût qu’en neurosciences pour l’effet produit sur les gens.

Succombant en masse à tant de gâteries, la population s’avachissait, repue et casanière. L’obésité sévissait. Pourtant chaque magasin – en général des franchises - était partagé en deux, le côté plaisir et le côté sagesse. C’était ainsi dans le cahier des charges de l’entreprise mère. La plupart des gens remplissaient leur cabas côté plaisir, avec au dessus quelques articles sagesse.

Les cinémas, les théâtres, les musées, les cafés, les restaurants périclitaient, les magasins d’alimentation traditionnels fermaient – même les poissonneries, un comble pour des îles - , la vie collective s’étiolait, les solidarités s’effilochaient et le monde associatif devenait squelettique. C’était du chacun pour soi face à son frigo.

Le diabète plombait l’économie de la santé, l’espérance de vie s’érodait, tout le monde disait que ce n’était pas soutenable. Sans pour la plupart savoir au juste ce que signifiait ce mot « soutenable », venu sur toutes les bouches en quelques années comme «  société résiliente » ou « épisode cévenol ».

La plupart des îles étaient des démocraties, qui en bonnes filles des Lumières n’imaginaient pas pour les autres d’autre avenir que d’y venir un jour. Sur ces îles la doxa était de fustiger la cupidité des Gafam, la course au profit des géants d’Outre Océan, le néo-libéralisme en général – l’accolade du préfixe néo- dispensant de toute compréhension du sujet - , tout en continuant à s’en lécher les babines pour les plus aisés, et à se priver pour en faire autant chez les plus pauvres.

Les Gafam n’avaient pas la côte et l’offre politique s’accordait à vouloir sévir : taxation, régulation, encadrement, interdiction ; protectionnisme, aide aux productions locales et aux circuits courts ; création de corps de contrôle sanitaire et d’inspecteurs nutritionnistes. Toutes ces velléités restaient lettres mortes ou s’enlisaient. Les Gafam s’adaptaient toujours, leurs campagnes de « greenwashing » et « carewashing », qui en faisant des défenseurs de l’environnement et de la santé, berçaient des îliens soumis à leurs papilles gustatives.

Deux îles faisaient exception à cet alignement politique.

L’île aux Murailles, ainsi appelée parce que ceinte de falaises abruptes, de loin la plus peuplée, sortait d’une tradition paysanne et d’auto suffisance. Elle n’avait connu que des régimes autoritaires, celui en place améliorait grandement le sort matériel de son peuple par une conversion à la haute technologie. Leur gouvernement, au nom de la santé bien commun du peuple, prit des mesures draconiennes. Les Gafam furent interdits et remplacés par des magasins et des produits d’état, promus par les canaux d’information officiels, les seuls admis. Cette politique, couplée à des activités sportives obligatoires (sous peine d’amende puis de prison), fit de cette île la championne de la longévité.

L’île des Lumières était pour sa part dans le giron des démocraties libérales. Elle les avaient même jadis inspirées. Ouverte directement sur le grand large, son histoire était faite d’échanges, d’émigrations et d’immigrations. La population y était si dense et ramassée qu’elle formait une sorte de cité-état, de longue date haut lieu de la culture et des arts rayonnant bien au-delà de l’archipel. Là, le « problème des GaFam » fut abordé autrement. Par une espèce d’ « empowerment », prise de pouvoir des gens sur eux-mêmes encore mal traduit dans notre langue. Empowerment que certains annoncent chez nous grâce au numérique, et que l’on ne voit pas beaucoup venir. Là cela marcha. Sur ces terres grouillantes de rencontres humaines programmées, fortuites ou improbables, ordinaires ou festives, nul n’aurait pensé à baptiser « tiers-lieux » ces lieux que l’on tente d’introduire pour faciliter les brassages, car chez eux ces lieux, plutôt « coeur-lieux » que tiers-lieux, avaient balisé leur histoire. Toujours est-il que ces gens ne cherchèrent par à faire des GaFam un bouc émissaire. Ils s’étaient toujours méfiés de la digestion ennemie de la cogitation et complice des passions tristes, ils préféraient l’activité à la sieste. Ils ne s’en prirent pas aux GaFam, dont les boutiques demeuraient rares chez eux. Au contraire ils y trouvaient une inventivité culinaire source d’inspiration pour leur propre gastronomie.

Je me réveillai en me demandant si l’île aux Murailles allait damer le pion aux démocraties ou se ranger à elles, si l’île des Lumières allait devenir un modèle ou demeurer une curiosité. Il est souvent vain de rationaliser un rêve mais nous le tentons tous. Je trouvais vite deux explications possibles. La première, mon goût de la bonne chère et conséquemment mon embonpoint, mâtiné du sentiment de pêché de gourmandise, ne fait pas de doute.

Une seconde lecture me fournit bientôt une autre clé (à suivre).

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1En attendant de voir au fil de ce site comment les sciences du numérique peuvent enrichir notre vision de l’avenir.

2Editions Les Liens qui libèrent, 2021

3Voir les excellents articles ou vidéos de vulgarisation de Jean-Paul Delahaye

jeudi 26 mai 2022

La mitre à maître de Victor Ruiz-Huidobro

 

Crédits photos : Emilie Hirayama

Flânant dans cet ouvre-boîte de l’esprit, ce décapsuleur d’imagination qu’est le LaM (Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut – ouf!), je fus happé par un objet étrange. Le nom de l’auteur n’était pas affiché, le personnel ne le connaissait pas, il me fallut fouiller dans le catalogue pour le trouver. C’était fin 2020, l’exposition « vois ce bleu profond te fondre ».

En ajustant ma vue à la minutie des détails, je me trouvais clinicien en blouse blanche interprétant les images du cortex d’un vieil instituteur, fournies par je ne sais quel TEP ou IRM du futur. Ce n’est sûrement pas ça, parce que malgré les avancées des toutes jeunes neurosciences, aucun chercheur sérieux ne l’envisage. J’étais plutôt devenu minuscule, explorant les méandres d’un cerveau de maître imprégné de 40 ans de passion. Oui, c’est sûrement ça.

Cet instit, c’est Victor Ruiz-Huidobro, qui fit toute sa carrière dans une école maternelle du 12e arrondissement de Paris. https://www.victor-ruiz-huidobro.fr/. Un papa nommé en école maternelle, déjà, ce n’était pas banal – et ne l’est toujours pas. Et cet objet muséal non identifié, c’est La mitre à maître , coiffe de fonction du maître d’école de la République. Tous les savoirs y grouillent, vivants. On remarque aussi la visière, qui protège des intempéries durant les surveillances de récréation.

Parmi les reportages à l’occasion du départ en retraite de Victor, celui de FR3 Ile-de-France vaut son quart d’heure . https://www.youtube.com/watch?v=Fs4287ARkF0

Les gamins sont baba devant cet héritier des hussards noirs de la république qui leur narre en pantoufles à pompons des histoires au passé simple et leur fait savourer le subjonctif. La classe conduit des projets collaboratifs de plusieurs mois. On vote, on arbitre, on compte, on joue, on écrit, tout cela joyeusement mélangé. Il n’y a pas de matières, pas de programme, pas de barrière, rien de ce qu’on fait n’a de dedans ni de dehors, on ne fait pas du français, ou du calcul, ou du jeu, de la poésie ou de l’instruction civique, on fait tout en même temps.

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Notre civilisation des Lumières pense, ordonne, hiérarchise, administre, organise tout sous forme arborescente. L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert en est l’archétype, et Auguste Comte le théorisa dans le domaine des sciences : « Classer tous les phénomènes observables en un petit nombre de catégories naturelles disposées de manière telle que chaque catégorie soit fondée sur la connaissance des lois principales de la catégorie précédente, et devienne le fondement de l’étude de la suivante ». Il classa les sciences selon ce principe : mathématiques, astronomie, physique, chimie, biologie, sociologie, dans un ordre perçu comme une hiérarchie de noblesse de pensée, des sciences « dures » aux sciences « molles ».

Cela a conduit à une organisation de la recherche française en 41 disciplines scientifiques au CNRS et 81 dans les universités, organisées en autant de sections, avec parfois des sous-sections. Le terme « section » est évocateur. Il s’agit de couper les sciences en tranches. Chaque tranche élit ou nomme ses représentants, qui recrutent et promeuvent leurs pairs. L’historique du charcutage des frontières entre sections est riche en polémiques, chaque territoire défendant son identité, considérant que les bons (chercheurs) sont chez lui et les mauvais chez les autres.

Plus encore, le substantif « discipline », du latin discipulus, « élève », signifie à la fois les règles d’une communauté, la soumission de l’élève et la flagellation pour qui s’en écarte1. Et gare à l’interdisciplinarité, soupçonnée par les deux camps d’être une esquive. Ses flèches à double sens entre des sections embrouillent la belle arborescence et continuent de hanter les nuits de l’administration et de sa gestion de personnel.

Certes la philosophie, l’immunologie et la mécanique quantique n’ont a priori pas grand-chose à voir et il est commode de les distinguer. Dès la naissance, un enfant fait de même, ses circuits neuronaux s’organisent pour sortir les images du brouillard, distinguer le sourire et le regard de la mère. Tout cela est utile, nécessaire même. Mais vouloir réduire la réalité à des commodités est dogmatique. On s’émeut beaucoup d’une possible dictature des algorithmes sans se rendre compte que l’on est sous l’emprise bien plus rigide des arborescences.

Si tous les maîtres fonctionnaient comme Victor, loin de toute « discipline » et méthode pédagogique, peut-être que chacun aurait fait sienne la démarche humaine de pensée et de savoir, au-delà des étiquettes et des pouvoirs, peut-être que la science serait en débat et non en accusée, peut-être que les vérités alternatives ne fleuriraient pas.

Mais ce serait aussi la fin des sacro-saints programmes scolaires, pas deux lycéens ne connaîtraient les mêmes choses. Impossible donc d’organiser des concours républicains pour administrer hiérarchiquement le pays comme Napoléon nous a appris à le faire et qui valut à la France d’être sur tous les podiums parmi les plus grandes puissances du monde depuis plus d’un siècle. Mais c’est le passé, comme l’Empire Romain ou les dynasties chinoises. Et qui se rappelle les énoncés de chimie, de physique, de maths, qu’il a appris en classe ?

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Les récentes techniques d’apprentissage informatique outrepassent la méthodologie décrite par Comte. Elles laissèrent pour cela longtemps sceptique et leurs spectaculaires succès font encore débat. Le Deep Learning y figure au premier rang. Il est à la base d’applications célèbres : identification de visages et de scènes, voitures autonomes apprenant à conduire ou AlphaGo triomphant des humains au jeu de go. Cette technique est représentative de la Data2elle nécessite de gigantesques quantités de données d’apprentissage. Elle consiste à apprendre sans analyser3 , elle se base sur des masses de corrélations et d’interactions statistiques plutôt que sur la modélisation, les déductions et les hiérarchies de la pensée des Lumières. LBreton Yann Le Cun, pionnier du domaine, prix Turing (l’équivalent du Nobel en informatique), cite volontiers à ce sujet une boutade en cours dans sa communauté « Soit Dieu existe, soit le monde est structuré ». En effet les chercheurs conçoivent à tâtons des réseaux de neurones informatiques qui apprennent parfois mieux les humains en exploitant les structures cachées des problèmes sans qu’il soit besoin d’expliciter ces structures, au demeurant impossibles à analyser car possédant des milliers voire des millions de paramètres.

Comte et Le Cun sont les hérauts de deux approches de la connaissance, celle classique de la rationalité des Lumières et celle en devenir de la Data.

Les Lumières, en externalisant des cerveaux le savoir pour le coucher dans les livres d’école, ont favorisé le débat démocratique menant à la société occidentale.

Cependant, dans leur verticalité plaçant l’Homme seul au dessus de la pyramide, exempt d’effet le boomerang en retour de ses actes, elles n’ont pas vu venir le péril écologique, et nos démocraties sont aujourd’hui à la peine.

Nous argumenterons au fil des billets que la Data, en externalisant l’intelligence pratique dans des réseaux numériques d’interactions, outillera un nouvel essor du savoir, du débat démocratique et de l’humanisme, promesse d’une Renaissance des Lumières.

En attendant, La mitre à maître me fait davantage penser à Le Cun qu’à Comte.

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1Source : dictionnaire de l’Académie française, créée par Richelieu pour faire autorité sur la langue.

2La Data désigne usuellement le stockage et le traitement de grandes masses de données (le « nouveau pétrole »), telles que l’exploitent à des fin commerciales les GAFAM. Pour nous, ce terme englobera tous les aspects scientifiques du numérique, dont l’IA, et ses infrastructures.

3Peut-être comme le nouveau-né évoqué plus haut. Les neurosciences le laissent à penser.

Mai 68. La raison buissonnière

 

Crédit : photo personnelle

Mai 68. J’y repense chaque fois que je prends un whisky. Les indispensables, clés, cartes, badges, s’entassent dans le tiroir, toujours entr’ouvert, au dessous du bar. Pèle-mêle avec les allumettes consumées, les trombones torturés, les punaises écrasées et autres condamnés à l’inutilité à perpétuité. Et aussi avec quelques vestiges, pourvu qu’ils soient petits. Parmi eux deux minces livres format A7, 74mm sur 105. Rouges, couverture plastique souple. « Le président Mao Tse-Toung sur la guerre populaire », mate, fait 59 fines pages. « Citations du président Mao Tse-Toung », brillant, en fait 210 et comporte un signet, un cordon rouge. Les deux bénéficient du même portrait du Grand Timonier, sépia pour le premier, colorisé pour le second, protégé par un papier calque. Comme jadis les images sacrées dans les missels.

A partir de là, je revois les foules brandissant sur le campus des nuées de petits livres rouges. « Les » étudiants faisaient la révolution de 68.

Quand les médias évoquent « les étudiants », ils ânonnent une dépêche ou un communiqué. On n’entend jamais « des étudiants manifestent » ou « des ouvriers » ou « des commerçants » mais toujours « les ». On comprend que « les » c’est tous alors qu’en réalité « les » c’est « des », ceux qui étaient là, parfois très peu.

Donc, « les » étudiants faisaient la révolution. Je n’ai jamais bien compris pour quoi. Triés par l’argent ou le mérite, les Trente Glorieuses leur assurait comme jamais un avenir enviable. Ils disaient que c’était pour les ouvriers, pour la justice sociale. Peut-être, il est vrai que Grenelle a fait du bien à beaucoup de gens. A Saint-Germain des Prés et sur le Boul’Mich’, c’était l’effervescence dans les cafés et sur les pavés. Les intellectuels refaisaient le monde pour les ouvriers, eux aussi. Lacan officiait salle U et V rue d’Ulm, un lieu saint. Lacan perçait les secrets du monde à travers les calembours (enfin, c’est que j’en ai retenu). Les examens devenaient des sévices masturbatoires imposés par l’ordre bourgeois, parce que examen = sexe-à-main. Ses produits dérivés faisaient fureur :

    - Comment vas-tu ? Yau de poêle.

    - Et toi ? La matelas.

Les Barfetti-confetti fleurissaient sur les campus lillois, tagués en grand. Bernard Barféty était le directeur du CROUS. Un type bien. Un humaniste qui faisait honneur au socialisme et à la société. Mais la rime était trop tentante, et le CROUS gérait les résidences universitaires. Or, les gainettes avaient disparu, les jupes raccourcissaient, les soutiens-gorge se raréfiaient, mais les filles et les garçons demeuraient logés dans des résidences séparées, avec des cerbères qui filtraient les allées et venues.

Je conçois que l’on ait fait la révolution contre ça, mais moi j’y trouvais un charme. Quand j’allais chercher une copine à la résidence des filles, le concierge l’appelait au haut parleur. Son nom résonnait dans l’immense hall jusqu’au bout des étages « Mademoiselle Machin, vous êtes demandée à l’accueil ». Il y a cinquante ans, on distinguait encore soigneusement le Mademoiselle du Madame, et Mademoiselle chantait comme une promesse. La demoiselle se faisait attendre juste ce qu’il faut, et descendait avec juste l’empressement qu’il faut les marches du monumental escalier double dont les courbes dessinaient un coeur. Clemenceau disait qu’avec les femmes, le meilleur moment était quand elles montent l’escalier. Il parlait des maisons closes bien sûr, comme il se devait à cette époque. Pour moi c’est quand elles le descendaient.

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La génération des soixante-huitards pouvait se permettre tous les rêves et les excès de la jeunesse, gages d’une société qui espère. De nos jours, on vit dix ans de plus, moins rudement et moins dangereusement quoiqu’en ressentent les gens. On meurt six fois moins sur la route. Chaque jour le lendemain s’annonçait meilleur. On travaillait dur pour l’achat d’un lave linge, d’une voiture, d’un logement, qui apportait plus de liberté et de confort. Les enfants faisaient mieux que leurs parents.

L’ascenseur social fonctionnait à plein régimeil est maintenant en panne, les jeunes ne peuvent plus oser l’insouciance. Les baby boomer comme moi ont été une génération privilégiée, comme jamais avant. Et comme plus jamais, les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel. Un sort meilleur s’annonçait pour les enfants. Nous devons régler la facture et encourager les jeunes à imaginer et débattre et pour construire un bel avenir autrement.

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Le terme "informatique" venait d'être accepté par l'Académie française.